Le Bruit du travail

Autrefois, il y avait au village de Saint-Romain un forgeron qui aimait bien aller trinquer avec les copains au bistrot voisin ; mais sa femme le surveillait de très près ; et elle n’avait même pas besoin de l’espionner, car il lui suffisait d’entendre l’enclume résonner pour savoir que son mari était à l’ouvrage. Quand elle n’entendait rien, elle levait un œil ; et si le silence durait trop longtemps, elle allait dare-dare au bistrot chercher son délinquant.

Alors, le pauvre forgeron finit par trouver un stratagème pour pouvoir s’échapper un petit moment : à la sortie de l’école, il appelait deux-trois draules délurés, et il leur demandait de taper sur l’enclume ; et pendant ce temps-là, il filait au bistrot boire un coup, sa femme devant être rassurée d’entendre l’enclume sonner.

Seulement, la ruse fut rapidement éventée ; en effet, la femme du forgeron se rendit vite compte que le rythme du marteau était passablement désordonné, et que la force des coups n’avait pas grand-chose à voir avec ceux de son vigoureux mari ; elle chassa donc les galopins, avant d’aller au bistrot faire du scandale et ramener son bonhomme au travail…

C’est forcément une histoire vraie, ne croyez-vous pas ? En tout cas, ce qui est encore plus drôle, c’est que ce motif narratif du travail contrôlé par une autorité au son des outils se retrouve dans la BD contemporaine, avec ce gag de Gaston Lagaffe, de Franquin, cité dans le hors-série N°35 de « Philosophie Magazine » (automne 2017), dans un article de Martin Legros qui traite du « Co-working animal »… Rien ne se perd…

©Éditions Dupuis

L’Ethno-rigolo 11-2018